Pluie de ratons

Il pleuvait et le jeune homme frêle s’abritait tant bien que mal sous un étroit balcon qui ne le protégeait
qu’en partie des éléments. Il tenait serré contre lui une sacoche bleu et blanche qui contenait
les quelques documents qu’il était censé amener à ce fameux entretien.
Ce fameux entretien, c’était le tournant de sa vie d’adolescent à celle d’adulte, un premier travail,
une première tache rémunérée. Il était en avance et n’avait pas osé pénétrer dans le bar pourtant situé
juste à côté des bureaux où il avait rendez-vous. Il attendait donc, tout seul, sous la pluie battante
qui semblait vouloir le noyer.

dessin : Mélanie M.


Soudain, le raton laveur, toujours lui, surgit pour donner une idée à l’auteur. Il se saisit d’une branche d’arbre, la planta puissamment dans le sol et décolla tel un sauteur à la perche pour atterrir sur le balcon au dessus. Il dérapa à cause du sol mouillé et s’effondra contre un hibiscus en fleur. Le jeune homme, surpris, se précipita dans l’escalier de l’immeuble pour atteindre enfin l’appartement dont dépendait le balcon. Il aida le raton laveur à se relever et celui ci lui dit, en langage raton laveur « Merci de m’affranchir et de me déposer dans une boite au lettres normée. Ce message s’autodétruira dans 20 secondes. » Puis le raton laveur et toute la scène s’évanouirent. Le jeune homme attendait sous la pluie, l’air triste, avec le vague souvenir d’une scène amusante mais impossible et il se rendit compte qu’en réalité, il ne pleuvait plus. Il sourit, et traversa la rue. Il sonna en bas de l’immeuble de bureau et bientôt une jolie secrétaire le convint à patienter dans une bien nommée salle d’attente. Il s’assit et s’étonna un peu d’un poster montrant un raton laveur souriant qui cligna d’un oeil dans sa direction. « Un rien étrange » se dit-il. Au bout de quelques minutes, le DRH, un homme élégant au regard curieux le fit entrer dans son bureau.

– Bien, installez-vous, nous allons commencer. Vous êtes Monsieur…

– Jean Dallet Monsieur.

– Bien, je suis un raton laveur et je vous prie de cesser cette mascarade.

– Pardon ?

– Vous m’avez bien entendu. L’homme fronça les sourcils et prit un air sévère.

-… Je… Eh bien, j’aimerais travailler avec… pour… vous dans votre entreprise. J’ai les diplômes requis et de l’expérience en tant que stagiaire et le développement de process dans l’industrie… m’intéresse particulièrement… J’aimerais un jour avoir un poste d’ingénieur qualité.

– Comme moi vous voulez dire ? Vous voulez prendre ma place ?

– Non, non, pas du tout. Je pense pouvoir bénéficier de votre expérience pour en acquérir à mon tour… et…

Le DRH l’interrompit :

– Comme petit mammifère carnivore, au sein de nos bureaux ?

– Oui tout à fait… euh non je veux dire, vous pouvez répéter ?

– Vous êtes sympathique jeune homme et je pense que vous faites l’affaire. Vous avez le poste. Vous commencez lundi. Voyez avec la secrétaire pour votre contrat de travail.

Jean remercia le cadre et quitta le bureau. Il signa les documents nécessaires et prit l’ascenseur pour sortir enfin de l’immeuble qui serait bientôt son lieu de vie professionnelle, le début d’une longue carrière qui fit dire à l’auteur qu’il arrivait à court d’idées mais que cette fois le raton laveur ne serait peut être pas disposé à prendre le relais « inspiratif ». On ne peut vraiment pas compter sur les ratons laveurs…. Pas systématiquement.

Jean avait, au court de cette étrange entretien, acquis un semblant de confiance en lui, aussi il entra dans le café au pied de l’immeuble pour y prendre son déjeuner. Il s’assit dans un coin et attendit que la serveuse s’occupe de lui. Elle lui servit un demi de bière « Offert par le raton laveur au bar » lui chuchota-t-elle l’air espiègle. Il ne s’étonna que modérément au vu de la matinée qu’il avait passée et, sans se démonter, il commanda le burger du jour, le Procyon lotor avec frites maison etc.

Il but son verre le regard ailleurs et un mince sourire aux lèvres. Ça y était, il avait son premier emploi. Ses parents allaient être fiers de lui, sa sœur, la chouchoute allait faire la tête, c’était parfait. Tant pis s’il ressentait quelque chose d’étrange et d’indéfinissable au sujet de cette demi-journée. Il avait l’impression d’être dans un film et que certaines scènes étaient coupées au montage bien qu’imparfaitement. Il se sentait bien mais comme ivre et ce n’était probablement pas le demi de bière qui causait ce trouble chez lui. Peut-être le raton laveur. Mais quel raton laveur au fait ? Aucune idée…

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