A Toi, endormie
J’ai fait un rêve. C’est vrai j’ai fait un rêve. Tu étais là, toi aussi, tout contre moi. Si je rêve de quelqu’un qui dort, rêve t-il de moi endormie ? La question est ouverte et je me la pose dans mon songe.
Il y a de l’eau, un lac au creux de montagnes vigilantes, un torrent asséché sous les feux brûlants d’un soleil d’été et la pensée insistante que je ne suis pas seule. Je m’approche de l’eau dormante, et dans l’interface liquide entre ton monde et le mien, j’évoque ton image qui s’inscrit, minérale, à la surface des eaux.
Les cheveux en bataille et le sourire au lèvres mais tes yeux sont absents car ils sont fermés. Je te poserai la question une fois éveillée mais tu as probablement fait le même rêve. Nous dormons ensemble, chacune de notre côté, séparées par l’eau et les montagnes, séparées par la distance et par le temps.
Alors que je le croyais asséché, le torrent se remet a chanter. Il se déverse dans le lac et trouble sa surface. Ton image disparaît. Je le regrette un temps puis j’écoute, attentive, les notes qu’il ne joue pas. Absence. Les accords imparfaits qui sonnent. Désir. La fugue légère comme le coton des nuages. Amour.
Ce n’est pas un bruit, c’est bien une musique, et le trouble de l’eau est le reflet du trouble de mon esprit emporté dans une chute légère et tiède dans les eaux perturbées du lac. Je m’enfonce dans les profondeurs, je me fonds dans l’élément liquide, et je me mêle à toi, je te sens qui m’étreint, je te sent qui m’embrasse. Je sens les limites entre nous s’estomper.
Enfin je repose sur le fond, à tes côtés et nos mains sont liées par le flux et le reflux des eaux profondes. Le silence n’est qu’une vue de l’esprit, j’entends nos cœurs battre à l’unisson, ligne de basse de la chanson du torrent qui nous a réunies. Il continue de chanter, c’est un hymne, une marche nuptiale unique en son genre et réservée à nous seules. Le bruit des rêves, la musique des songes.