Non-être

Je marche vers les hauteurs, vite, c’est l’heure, courir comme le temps à la poursuite du vent ? Pleurer comme le vent, les embruns en pagaille, l’aurore colore le ciel d’une nuance rose qui s’égaie sur les nuages, tranche avec le bleu nuit du ciel encore endormi.

J’évite les plus grosses pierres et les statues figées qui jalonnent le sentier. Je sens déjà l’usure, la douloureuse courbature qui se répand dans mon corps mais je progresse toujours, les minutes s’épuisent égarées dans les bourrasques furieuses. Le temps comme adversaire, aller de l’avant, toujours, quel qu’en soit le prix.

Parlons en du prix, le prix du souvenir, le prix de la mémoire qui s’évanouit, spectre intangible pourtant élément majeur de mon identité. Les statues figées sur le bord du chemin, ce sont les gens que j’ai oublié, zappé, en quelque sorte abandonnés. Leurs traits sont gommés, à moitié effacés et leur vitalité est celle de la pierre. Moi-même, je ressens l’étreinte silencieuse du minéral qui remplace chaque seconde les plus petites parties de mon être.

Je suis parvenu au sommet et je contemple le vide devant moi, la nuque raide et les articulations paralysées. Si j’avais su… Si j’avais pu voir à l’avance le spectacle qui s’offre à moi… Si seulement je pouvais m’en souvenir. Si seulement…

Je ne suis plus qu’une statue de sel, anonyme et sans identité. Je suis maintenant perdu, à jamais tandis que le vent érode ce qu’il reste de moi sur la hauteur, prêt à sombrer dans l’abîme du non-être.

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