Il y avait un trou dans le mur et j’aimais regarder dedans. J’y voyais une chambre comme la mienne. Ça faisait rire mes parents. Ils disaient, c’est juste un trou dans le bois, il n’y a rien derrière chéri. Moi je savais le contraire. J’avais cinq ans après tout.
Aujourd’hui j’ai quinze ans et j’aime toujours autant ce trou. Personne ne le sait, on me prendrait pour un fou mais j’y regarde encore souvent, je colle mon œil bleu gris au bois et je n’imagine pas, je vois vraiment la chambre de la jeune fille que j’espionne depuis des années. C’est magique en quelque sorte. Elle, elle ne va vraiment pas bien. Je vois aussi les choses qu’elle voit et c’est pas très joli. Elle se débat, je trouve ça cool. Depuis quelques mois, j’arrive à influer sur ses monstres et comme un bon petit chef d’orchestre, je bats la mesure du harcèlement psychogène de Lucie. Moi c’est Édouard au fait, patron de l’enfer personnel de Lucie.
Vous vous demandez sûrement pourquoi ? Et bien, la réponse, c’est pourquoi pas. J’ai commencé très tôt à maltraiter la petite et comme je fais l’école a domicile dans le manoir de mes parents, je n’ai que très peu de contact avec d’autres enfants. Alors je m’amuse, comme je peux. Je lui chuchote des choses étranges de pleins de voix différentes et au lieu de la croire, ses parents la bourrent de médicaments, ce qui, vous l’imaginez m’arrange bien. Depuis quelques mois, j’ai acquis une nouvelle capacité. Celle de matérialiser dans la chambre de Lucie. Je ne vous fait pas un dessin.
Bien sûr, je n’y vais jamais sous ma propre apparence, je me déguise toujours en une horreur ou une autre. Cette nuit, je suis un œil de la taille d’un ballon de foot qui flotte dans la chambre et laisse tomber des gouttes d’acide sur le sol et sur les draps. La mère de Lucie ne sait pas qu’elle n’a pas pris ses médocs, moi je vois tout. La jeune fille aussi, elle me fixe terrifiée, tandis que je plane doucement au dessus d’elle. L’acide ronge sa peau, elle souffre et serre la cordelette autour de son poignet. Je n’ai jamais compris pourquoi elle faisait ça. Probablement un truc de folle. Je vais jusqu’à effleurer sa peau blanche et douce et lorsqu’elle hurle a mon contact brûlant, je disparais, moi et mes manifestations démoniaques.
Je décolle mon œil des boiseries du mur. Je suis satisfait. Encore une bonne nuit de sommeil en perspective. La prochaine fois, je la…. On verra bien. Pouvoir à Satan !