Désunion

Je tremble encore, loin de toi, hiatus de nos deux vies en une ronde hachurée. Je porte en moi les souvenirs qui te font défaut, alors que tu détiens la fièvre des sentiments qui comblèrent nos vies.

J’invoque nos deux noms, en une incandescente prière à un dieu qui n’existe pas, à la nature qui détruit et reforme, à la maison que nous occupions autrefois.

Nous étions partout chez nous, deux corps et un cœur, deux regards et un seul reflet d’âme. Oui, nous étions complets, ni joyeux ni tristes, seulement intégrés, partie prenante du monde qui vivait à travers nous, conscient, habité, nous étions la solution et le problème, la réponse et la question.

Mais brutalement, en un temps si court que je vois encore ton sourire s’esquisser alors que nos regards se croisent, je fus infiniment loin de toi et toi de moi. Un abîme de distance si grand qu’il en paraît infini. Un autre surgit, non-humain, une forme hybride de ce qui était mauvais en nous.

Cette être, j’en garde le souvenir, n’était pas mauvais par essence. Une frustration, un oubli, une fleur dérangée par un courant d’air impromptu. Mais quelque chose le fit grandir, prospérer et nous étions si pleins, si conscients de l’univers que nous ne fîmes pas attention. Une erreur que je perçois dans le fil de la mémoire alors que toi, à l’autre bout du cosmos, tu ne peux que souffrir la douleur de la séparation.

Je réalise que nous étions heureux sans en avoir conscience. La réalité de notre monde, de nos mondes, était le fruit d’une dépendance. L’un à l’autre mais aussi entre le monde et le couple que nous formions. La nature était belle, le ciel étoilé même lorsqu’il faisait jour. Nous étions à la fois jardiniers et enfants fascinés par les jolies histoires que nous racontions nous-même.

C’est ainsi, je ne peux qu’imaginer les sensations, à l’autre bout du ciel, et le bouillonnement incessant des sentiments qui habite ton cœur, toi qui ne peux te plonger comme moi dans le flot ininterrompu de la mémoire. Je suis amputé des émotions, tu ne peux que les subir sans pouvoir rattacher ce déferlement à un temps, un lieu ou même à moi.

Il m’apparaît alors ce qui scelle notre fin. Tu m’as oublié et je ne t’aime plus.

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