Course grise à l’infini

Je fuis lentement, comme engluée dans la roche friable qui compose mon cauchemar. Une fuite en avant, seconde après seconde, mes pieds soulèvent la poussière avec la régularité d’un métronome et une lenteur affreuse. Je cours, toujours plus loin, sans me retourner mais je sens la présence de la Bête sur mes talons, son haleine abominable et sa volonté farouche de me capturer pour me faire subir… Je ne sais pas, je ne veux pas le savoir, le monstre n’est jamais très loin, et toujours, j’avance, dans ce désert glacé à l’odeur de tombeau, à l’odeur de mort millénaire.

Rien, pas de paysage, seulement un horizon gris qui sépare un ciel noir et le sol de cendres et d’obsidiennes. Il me semble voir, mais aucune lumière n’éclaire ma fuite. Par moment et de façon impossible, j’imagine voir une lumière rouge sale luire, sinistre, dans mon dos. C’est le fanal de la Bête qui me poursuit et qui me rattrapera si jamais je ne m’arrête.

Je n’ai plus de force mais depuis si longtemps que cela ne change rien. Je continue à avancer, droit vers un horizon vide d’avenir, vers un horizon qui ne m’offrira aucun salut, aucune sécurité, aucune absolution. Je voudrais m’arrêter, pour en finir, pour que la Bête me rattrape et que le cauchemar cesse. Mais c’est hors de question, cela ne m’est pas permis. Peut être est ce là ma punition pour des crimes que je ne me souviens pas avoir commis. Peut être que l’innocent paie pour les coupables parfois et que le châtiment, ce purgatoire, soit cette course si lente et sans fin, sans espoir, rien.

Alors mes pieds foulent la cendre et la pierre, pas après pas, peur après peur, avec une autonomie propre à une si longue fuite. Mon esprit lui s’évade ou bien essaye mais l’essence même de ce monde, de ce non-monde, parait ralentir les pensées de la même manière qu’elle alourdit mes foulées. Tout cela me confine à un instant précis à mi chemin du passé honni et de mon futur barré, un présent en forme de lente torture qui diffuse la douleur dans chaque fragment de mon corps, dans chaque fragment de mon âme.

Je fuis, lentement et sans fin, sans finalité ni autre solution. Je quitte ce monde, un pas après l’autre, quoi qu’il arrive, à l’aune de l’éternité, j’arriverai à sa fin.

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