Le miroir

Je dors dans cette chambre pour la première fois depuis douze ans et j’ai vingt quatre ans. Mes parents l’ont laissé tel quelle avant mon départ. Je suis allongée dans un lit presque trop petit pour moi, j’ai grandi et j’ai oublié. Alors que la lumière du soleil disparaît et que le ciel se piquettent d’étoiles presque trop petites pour les voir à travers les carreaux de la fenêtre, mon esprit vagabonde. Je revois le décor de ma pré adolescence. Cette chambre dans le tons roses et mauves, mes jouets, l’armoire avec dans les nœuds du bois une sorte de visage de sorcière qui me faisait un peu peur. J’avais oublié, je ris presque de mes peurs d’enfants lorsque un voile se lève sur ma mémoire. Le. Miroir. Oh mon dieu.

Soudain, comme un rideau qui s’ouvre au début d’une pièce, il prend de nouveau toute la place dans la petite chambre. Grand, presque deux mètres avec un encadrement en bois noir qui ressemble a de l’acier. Il a le don de rendre l’espace à l’intérieur plus grand que le réel. C’est inexplicable, autant que le fait que je me souvienne de lui que maintenant. Tout recommence. Je me redresse dans le lit trop étroit. Je vois mon reflet dans l’abîme couleur vif argent mais il a déjà quelque chose de changé. C’est subtil mais je reprends les bonnes vieilles habitudes. Je bouge un bras puis l’autre, doucement et sans rythme, afin de tromper la chose qui cherche a imiter le moindre de mes mouvements.

Je glisse en douceur hors du lit et je me tiens debout pieds nu sur le tapis épais. Je constate que la pièce change doucement dans le reflet, les jouets se noircissent un peu, l’angle des murs changent imperceptiblement, la fenêtre disparaît pour se transformer en une bouche d’égout grillagée. J’évite de me laisser distraire par ces détails, je sais très bien ce que je risque. Je persiste donc à fixer mon autre moi droit dans les yeux, toujours avec des mouvements désynchronisés afin de tromper mon alter ego. Cela commence a fonctionner, la chose abandonne son puérile jeu d’imitation et laisse pendre ses bras de part et d’autres de son corps qui lui aussi commence à changer.

Il rapetisse, travesti l’apparence que j’avais douze ans auparavant mais ses membres supérieurs garde une longueur d’adulte tant et si bien que l’apparition est à la fois grotesque et infamante. La créature se baisse ensuite lentement pour adopter la posture accroupi du prédateur nocturne, prêt a bondir sur sa proie… moi. Ses cheveux laisse entrevoir deux yeux brillants dans le noir de la chambre. Toujours, je la fixe malgré la peur, la terreur des souvenirs, celle de la fois où j’ai failli la laisser sortir. Ou rentrer, tout dépend du point de vue. J’entends du bruit à l’étage inférieur et je détourne un instant la tête. Il est déjà trop tard. Quand je regarde à nouveau dans le miroir, il n’y a plus rien, pas même mon reflet. Alors. La chose. Où est-elle ?

Un bras semblable au mien mais difforme s’abat sur mon épaule et me fait tourner de 180 degré, le monstre me fixe dans les yeux, je vois ses dents aiguisés des quelles coulent une bave translucide. Je suis au-delà de la peur. J’ai failli alors que la petite moi a douze ans avait presque réussi à terrasser l’abomination. Il est trop tard. Je m’effondre sur le sol détrempé par l’eau qui s’échappe de la fenêtre devenue bouche d’égouts. Je me noie doucement, sans vraiment en avoir conscience. Prisonnière du miroir.

Je peux voir à travers mais je n’ai pas encore trouver comment me manifester. Ma surprise et mon amertume est grande lorsque j’aperçois la frimousse, ma frimousse à l’âge de cinq ans dans son lit d’enfant. Je vais observer, apprendre de la même façon que la petite fille que je fus va observer et apprendre et à terme, je parviendrais à retourner dans mon corps. La chose, c’est moi.

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