Lettre du dimanche matin

Chère Toi,

C’est un dimanche matin estival, le ciel se pare d’une couleur rose pale agréable au regard, je suis sur les quais de la Garonne et je n’ai pas dormi. Je ne tiens pas dans cette lettre à te conter ma nuit de prise frénétique de drogues mais plutôt ce matin là. C’est un instant suspendu, la majorité de la soirée est derrière moi mais il reste ces heures précieuses, parfois frustrante à cause du sommeil qui ne vient pas. J’ai marché quelques kilomètres depuis chez moi pour rejoindre le bord de l’eau et boire le café que j’ai emporté dans un thermos. Je suis assis dans l’herbe, une légère brise porte une odeur de fleurs jusqu’à mon nez et mon palais se réchauffe de ma boisson encore brûlante.

J’ai l’esprit encore vif mais évasif. Je veux dire par là que je pense vite mais que j’ai tendance à m’égarer. C’est l’avantage et l’inconvénient des psycho stimulants. Ce que l’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre. J’ai beaucoup écrit en plus de cette lettre qui te parviendra bientôt je l’espère. Je te ferai suivre par mail la nouvelle écrite cette nuit mais je tenais à ce que ces mots, tu les trouves dans ta boîte au lettres, à l’ancienne. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment, une intuition naît des amphé, la négligence du mail envoyé en plein trip vis a vis du courrier manuscrit que l’on peut hésiter à poster le lendemain.

Comme tu vois, je m’égare, je ne sais plus ce que je voulais dire ensuite. Ah, si. C’est l’amour qui porte ma démarche, et aussi une forme d’imposture. J’aimerai que tu partages ce moment que j’aime avec moi et par extension, je t’aime donc toi. Le côté imposture, c’est que c’est un moment que je ne peux pas partager, il se passe plus dans mon esprit et mon corps fatigué mais tendu que dans la fraîcheur de l’herbe et les reflets du soleil naissant sur l’eau boueuse du fleuve qui traverse la ville endormie.

J’aimerai te raconter aussi. Je ne perds pas le fil conducteur en disant cela, car il s’agit des autres vis à vis de moi. J’ai croisé quelques noctambules à ma façon en venant, mais j’ai croisé aussi des gens du matin, du tout petit matin, déjà levé quand je n’ai pas encore dormi. A leur yeux, à leurs oreilles aussi, on sent qu’ils sont… ouverts, je ne vois pas d’autres mots. Ils glissent sur la ville en veille, sourient aux passants comme moi qui n’ont pas l’air de dérangés finis. Moi, ma chemise est un peu froissé, j’ai les cheveux en bataille et collé par la sueur, mais on ne soupçonne pas les univers que j’ai crée en cette nuit si semblable et si différente à la fois des autres passées à écrire.

Car j’aime écrire, même pour ne rien… dire. Sentir les mots se créer sous mes doigts, à la vitesse de l’esprit, c’est grisant. Il m’arrive même parfois de cesser de taper sur les touches du clavier et d’être surpris que mes pensées ne s’inscrivent pas d’elle-même sur l’écran de mon ordinateur. Alors je ris, et mes doigts reprennent leur danse endiablée tandis que des tonnes d’idées sottes et grenues s’empilent dans mon document, monceaux de baies tises qui parfois recèle un diamant brut qui demande à être taillé, poli, jusqu’à devenir un bijou qui se porte en toute saison, tant que c’est la nuit.

On le sent dans mes mots, je suis encore là haut, déçu et satisfait d’être à la fin de l’histoire et devant le précipice de la descente. Je ne sais plus quoi t’écrire, sinon que je te transmets toute mon affection et que tes retours sur ma nouvelle nouvelle sont les bienvenues. Ne t’oblige pas à répondre à cette lettre de façon manuscrite, ce n’est que le caprice de quelqu’un d’un peu flou, perdu de vue en garde à vue. Il s’agit maintenant d’aller dormir…

Bien à Toi.

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